Ça prendra encore certainement du temps avant que l'on redonne le pouvoir aux habitants du sol qui sont les plus à même d'enrichir et de revitaliser cette terre, que certaines pratiques de l'agriculture mécanisée du siècle dernier continuent encore souvent d'épuiser et de déstructurer à chaque nouvelle saison.

Il est cependant réjouissant d'observer que la nouvelle génération (peut-être oppressée par l'augmentation du prix du gasoil) commence à adoucir le travail du sol et que ce genre de scènes semblent se faire plus rares. Si l'on se rappelle encore d'un temps où il était naturel de fumer dans les bureaux, on peut espérer le changement en bonne voie…

Ce qui a vocation à durer longtemps met souvent beaucoup de temps à grandir.

De même que le chêne (comme il en pousse beaucoup par ici ) forgera ses anneaux sous l'écorce année après année, le montage d'un simple muret en pierre sèche, m'aura pris plus longtemps que souhaité, semaine après semaine, dans une région où ce sont principalement les galets arrondis qui affleurent à la surface des champs… Mais que ne serais-je pas prêt à faire pour savoir où planter tout ce que les jardineries ont à offrir en cette saison.

Qu'importe, il faut savoir prendre son temps et pourquoi pas varier les styles en fonction des disponibilités…

Namast'zen !

Bien qu'à l'est rougeoie déjà la Bigorre, suggérant (à cette/sept heure) le début d'une nouvelle journée ensoleillée, je me laisse quand même toujours agréablement surprendre par la pleine lune finissant sa nuit en toute majesté dans cette partie du ciel, que plus tard le soleil couchant (qui lui ne s'épargne aucun faste) viendra fougueusement embraser de sa palette de rayons fauves, rouges, jaunes et violets.

Au deuxième jour je ne saurai dire cependant s'il s'agissait bien de la fameuse lune rose que l'on nous avait annoncée cette semaine (celle qui deux fois par an se penche au plus près de nous avec bienveillance), ou si elle avait simplement déteint dans les brumes matinales, nous offrant ainsi cette aquarelle éphémère aux couleurs de chakra céleste…

Malgré des années d'hésitation, quelques "travaux forestiers" plus ambitieux qu'à l'accoutumée auront donc eu lieu ces derniers jours dans le "bosquet", à grand bruit de scie à moteur et de craquements de branches, voire de quelques troncs. La pression immobilière et paysagère aura été la plus forte, alors que l'on y annonce l'ouverture prochaine d'un poulailler, la plantation de toujours plus d'arbres fruitiers (symboles d'autonomie et de résilience) et peut-être même l'aménagement d'un petit bassin (pour que la résurgence sur laquelle je ne cesse de patauger devienne un atout pour les jours secs à venir).

À la suite d'une de ces bonnes après-midis de labeur anthropocentrées visant à vouloir faire mieux que la Nature avant moi (elle qui avait mis tant d'ardeur à déployer, sans souci du qu'en-dira-t-on, ici ces quelques bouquets d'arbres aux branches sacrifiées à la fureur des vents dominants, là un vaste entrelac doux-piquant de ronces et de chèvrefeuille, ou celui de lianes et de lierre surplombant un tapis de bois mort piqué de délicates fleurs printanières), la fatigue profitant d'elle-même pour flatter mon égo de nouveau maitre des lieux, finit par me faire accepter l'idée que, de ces monceaux de branchages qui recouvraient presque entièrement le sol, il restera suffisamment de bois de chauffage (pour débuter l'hiver prochain), de rameaux pour le compostage, de buchettes accueillantes pour reloger les populations d'insectes déplacées, ainsi qu'assez de tas de brindilles pour héberger lézards ou crapauds jamais bien loin (ou même qui sait, un couple de hérissons en lune de miel) et que le reste pouvait en toute bonne conscience faire l'objet d'une solution rapide et efficace, affectée à mon seul plaisir personnel… scratch !

Temps alors de savourer le sentiment du devoir accompli et de se détendre dans la douceur de l'air du soir, un kir dans chaque main, sous une demi-lune indulgente, laissant à la bibliothèque sonore de mon téléphone futé le soin de me conter une belle histoire, même si au final je n'ai nul besoin d'être ailleurs qu'ici et maintenant…  

Entendu ce matin sur "fréquence Chantemerle" (là où tous les matins et toutes les fins d'après-midi à la même heure des merles se relaient pour siffloter à tue-tête ce que l'on pourrait prendre pour les derniers potins locaux)... aujourd'hui c'est le grand jour.

Ce qui était devenu plus qu'une évidence depuis quelques jours, cette expression de vie remontant du cœur du monde en apparence assoupi et que l'on voyait sourdre, percer les écorces et commencer à dérouler ses tiges, est officiellement là : c'est le Printemps !

Souhaitons à cette occasion de pouvoir retrouver chaque matin sous nos pieds nus le contact du sol, afin de nous reconnecter à cet élan vital et aider à ce que les quelques branches noueuses et mornes de nos pensées anxieuses aussi se couvrent à nouveau de feuilles au vert tendre et de milliers de petites fleurs colorées aux parfums enivrants (où les bourdons de l'inspiration que nous envoie Dame Nature aiment à venir butiner… mais là je m'égare ).